dimanche 19 juin 2011

Plancenoit, Aigle Blessé, dimanche 19 juin 2011


Il y a dans l’air quelque chose d’étrange, comme une impossibilité, comme une envie de ne plus accepter ce qui était inacceptable et que nous avons quand même accepté.

Ce qui m’étonne, c’est le temps que beaucoup de Wallons ont mis à se rendre compte que notre Nation était un mythe.

Que reste-t-il de la Belgique ? Des missions princières où les deux communautés déclinent leur identité respective, ne se servant de la marque « Belgique » que quand ça peut encore rapporter quelque chose… à leurs entreprises.

Et à force de faire la preuve que cet état ne rapporte plus rien, il ne vaudra bientôt plus rien.

Ils nous auront trimballé au gré d’une belgitude qu’ils n’ont acceptée que parce qu’elle les arrangeait bien… et que nous avons été si longtemps seuls à assumer.

Ce qu’ils ont toujours fait, à en friser l’indécence, c’est maintenir dans le patrimoine commun ce qui les embête et pratiquer la sortie d’indivision pour ce qui est bon pour la Flandre.

Mais aujourd’hui, qu’est-ce qui est bon pour la Flandre ?

Ils mettent un temps indéfini à l’énoncer. D’abord, le communautaire. Des avancées. Une révision de la loi de financement. On semble d’accord sur quelque chose.

Puis, on change d’exigence… BHV par exemple. A chaque instant, tout est susceptible de se gripper… et on retournera à la case départ.

A présent, ils nous prient de nous préoccuper du socio-économique, de préférence avec beaucoup d’économique et très peu de « socio ».

Et puis, aussi, les voilà qu’ils reparlent d’un front flamand. Puis ils démentent. Front, c’est trop dur.

Cela rappelle un vieux démon. Combien doivent-ils se sentir coupables pour réclamer sans fin leur amnistie comme s’il s’agissait de l’honneur de la nation flamande méprisant les soixante-quinze mille Wallons prisonniers cinq ans durant des camps nazis.

Quant à moi, je préfère cette stèle, s’excusant presque d’être là, au bord d’un parking où est de mise un anonymat cher aux pulsions aussi innocentes qu’inavouables (1).

Oui, je préfère cette stèle, cette assistance, modeste peut-être par le nombre, mais tellement convaincue, à toutes les Tours aux rassemblements au carré.

Je préfère cette stèle et la fidélité de WALLONIE LIBRE à ses idées et à ses engagements pris ici en 1940.

Ici, jadis, je vous ai parlé de l’Empereur.

Ici, jadis, j’ai entendu déclamer du Victor HUGO par un diplomate qui serait le père du « VIVE LE QUEBEC LIBRE ! »

A ce propos, n’en voit-on pas aujourd’hui comparer la situation de la Flandre à celle du Québec. Mais c’est du négationnisme.

Ici, aujourd’hui, je ne vous parlerai pas de l’Empereur, je l’ai déjà fait, et avec succès je crois.

Je préfère un poète. Celui des Droits de l’Homme m’aurait agréé, mais ça a déjà été fait. Je prendrai donc le poète maudit : Baudelaire !

Lui qui a nourri une amitié profonde pour Félicien ROPS, nous a laissés quelques mots décapants sur la Belgique où il a vécu une sorte d’exil.

Deux phrases prises au hasard de ma relecture de Lettres à ma mère et de Pauvre Belgique.

« Ce peuple est trop bête pour se battre pour des idées »

« Il n’y a pas de peuple plus fait pour la conformité que le peuple belge »

Ces quelques mots de Baudelaire sont datés, bien sûr, mais on ne peut que partager avec lui cet agacement pour un pays qui, aujourd’hui, a pris la forme de l’improbable, et, n’ayons pas peur des mots, du ridicule !

Sans doute son contemporain, Léopold de Saxe Cobourg Gotha, ne l’avait pas lu, et, cependant, ce roi choisi par élimination n’a-t-il pas déclaré :

« La Belgique n’a pas de nationalité et, vu le caractère de ses habitants, ne pourra jamais en avoir ».

Devant ce monument, il est opportun de rappeler que cet état est un pur produit de la Diplomatie de 1815.

Il faut à présent se rendre compte de l’existence de deux peuples différents par leur origine, par leur comportement et leur choix démocratique.

Hier, des femmes et des hommes se sont levés pour fonder ici la WALLONIE LIBRE.

Aujourd’hui, les citoyens de Wallonie ont le devoir de choisir un destin en toute indépendance, fiers de leur Histoire, revendiquant leur appartenance à la grande culture française, celle de la Révolution et des Droits de l’Homme.

Lorsqu’un Etat fait défaut, il convient de changer d’Etat.

La Wallonie mérite mieux qu’une Belgique sans âme et sans devenir.

Je vous remercie.


Robert COLLIGNON

Ancien ministre-président wallon

Ancien président du Parlement wallon.